Le bootstrap selon Edgar(d) Gunzig

L’expression anglaise « bootstrap », littéralement « se soulever soi-même en tirant sur ses bottes », est issue des extraordinaires aventures du célèbre baron de Münchhausen. Au cours de l’une d’elles, ne pouvant compter sur personne d’autre que lui-même pour s’extraire du fond d’un lac dans lequel il s’était embourbé, le baron eut « l’idée géniale » de tirer sur les sangles de ses bottes pour créer le mouvement qui lui permit de remonter vers la surface. Cette démarche circulaire, la production énergétiquement gratuite d’effets tangibles ne met en œuvre que des actions et des forces purement intérieures, sans apport d’énergie extérieure. La logique circulaire du bootstrap permet de produire des effets sans cause, de créer « quelque chose » à partir de « rien », de sortir un lapin d’un chapeau, sans chapeau ni prestidigitateur. Devançant le baron de Münchhausen, Cyrano exploite ingénieusement le principe du bootstrap dans l’ascension vers la lune d’un voyageur qu’il y rencontre : installé dans une nacelle métallique, il progresse le long de sa trajectoire grâce aux lancers successifs, vers le haut, d’un aimant qui l’attire, qu’il relance, qui l’attire à nouveau…ce qui le conduit de proche en proche à des altitudes de plus en plus élevées ! Comment Cyrano et le baron auraient-ils pu imaginer que la logique circulaire qui articule ces mécanismes extravagants puisse se retrouver au coeur d’un bootstrap cosmologique : une stratégie qui aurait permis à l’univers de venir à l’existence par lui-même, de s’autocréer, de réaliser à l’échelle du cosmos ce qui semblait insensé dans les petites aventures locales de Cyrano comme du baron, de s’engendrer lui-même sans recours à un quelconque « extérieur », d’ailleurs inexistant. Philosophie de vie, planche de salut personnelle pour situations désespérées, botte secrète, principe physique, système logique …le bootstrap est tout cela et bien plus encore…

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