Monica Gomes

Fabien Dehasseler

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Bicéphale
© Hichem Dahes

Monica Gomes

Matosinhos naissance/ Portugal/ IAD Formation / Comédienne déformation/ Metteuse en scène/ Le cri/ Maladie de la mort/ Labora-Vertigo Compagnie/ L’extase materielle/ Chili Tounée/ Voyage en parachute Huidobro/ ULB/ Faculté philo et lettres/ Collaboration écriture Inner worlds/ Bellone performances/ Raffinerie performance/ Mnémosyne/ Varia relations publiques/ Co-directrice Balsamine/ Antonin fils/ Salomé fille.

Fabien Dehasseler

Charleroi naissance/ Belgique/ IADesque odyssée/ Comédien / Metteur en scène/ Puis Idem Monica jusqu’à ULB/ Réalisation Directing Othello Moyen Métrage/ Actant Choc Matière Amerika Inner worlds Mary mother of Frankenstein Claude Schmitz/ D’Oedipe Sabine Durand/ ETC...etc/ 88 constellations Thomas Turine/ Co-directeur Balsamine / Antonin Fils/ Salomé fille.


Portrait / dans Scènes 32/ Publications de la maison de la Bellone

La Balsamine, L’ultimatum de l’utopie / Monica Gomes et Fabien Dehasseler Entre abstraction et concrétude absolue, le programme rêveur et lucide à la fois des deux nouveaux co-directeurs artistiques de la Balsamine. Une invitation au saisissement des signes et de la pensée.

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Scènes 32

Il y a un sentiment de dislocation en nous. Symboliquement parlant, Fukujima se fait l’écho terrible de Tchernobyl. Pourtant, l’information passe sans laisser de trace, elle s’absente peu à peu. Rien de comparable à l’affaissement des deux tours qui a déphasé un moment la terre entière. Une agression qui laisse des séquelles alors qu’elle ne représentait qu’une représaille, que le cheminement d’imbrications politiques, économiques malveillantes. Avec le crash, juste une image qui rend la télé méconnaissable, un évènement qui nous extrait du temps. Or la vérité, c’est le temps. Plus que la décapitation des pères, Louis XVI et l’Amérique, cette nouvelle intoxication infligée à notre terre, à la nature-mère qui nous a enfantés avec tant de patience, nous semble être le réel enjeu de notre engagement humaniste . Ainsi, nous pouvons paraître très “romantiques allemands” dans cette introduction des choses, mais rien ne nous touche plus que d’avoir vu récemment une femme priant face à la mer et lui demandant pardon pour l’agression qu’elle lui avait infligée. Ce qui revient à dire que ce n’est pas le sujet qui passe, c’est lui qui appartient au passage, qui émerge d’un passage.

Être là aujourd’hui, dans ce lieu, la Balsamine, bien que cela puisse sembler obscène à certains, révèle notre rapport au monde, notre ascèse qui est production. Elle, provenant d’une cacophonie multi-culturelle, lui, issu du silence culturel le plus total, il ne pouvait en résulter que le vide et, pourtant, il a suffit d’une rencontre au degré zéro du théâtre pour que nous devenions des autistes artistiques, amoureux l’un de l’autre. Déjà dans cette rencontre se mettait en place le processus bicéphale de notre collaboration future. Tout est question de désir mais pas ce désir qui attend la décharge du plaisir, non, le désir qui est moteur créatif, pas un état de manque mais un pur processus.

Le projet artistique que nous défendons s’axe sur le retour à la pratique. La personnalité artistique face à sa forme. En soi, la quête de la théâtralité, cet entre-deux, cette énergie qui se compose et se crée, se transforme peu à peu pour devenir matière, une peinture pas une toile encadrée, une œuvre pas un spectacle. Il faudrait être simple pour croire que la création est acte simple. L’essentialité de cette recherche doit donner assez de passion pour créer ce qui ne peut être que créé. Il est heureux de trouver des artistes qui sont déterminés dans leur théâtralité. Ceux que nous accompagneront le sont ou tendent à l’être, nous sommes formels !

Certes, nous avons tous besoin d’un espace d’intimité pour nous construire. Nous espérons partager la Balsamine avec ceux qui désirent mettre leur désir en jeu. Pas de productions en soi, des accompagnements, pas de principe d’espérance mais plutôt de responsabilité.

Embarquer sur la matière. Voilà une invitation claire destinée à tous ceux qui veulent l’entendre.

Nous sommes engagés à fournir un travail et ce travail nécessite un engagement qui n’est pas monnayable. Nous aimerions nous placer dans des « points de voir » autres, nous prenons des distances par rapport aux saisons et nous aimerions profiter, à nouveau, du temps qui passe. Le théâtre peut être dans une réalité un peu vulgaire. Et l’argent en est souvent responsable ! Dans le cadre des artistes, dans le cadre des institutions, il y a parfois une sorte de hiérarchie stupide de l’argent qui place des faiseurs au sommet de leur art et les mènent lentement à la morgue d’eux-mêmes. Nous sommes dans un théâtre plus sauvage où le lierre peut recouvrir les façades. Voilà pourquoi nous considérons la Balsamine comme un territoire en or pour développer des « utopies pirates ». Pour une démocratie immanente et joyeuse, totalement dépourvue de bonnes ou mauvaises intentions mais cimentée d’énergiques passions.

Devons-nous réidentifier ce que ce lieu signifie, dire quelle place nous prenons dans ce paysage et pourquoi nous parlons d’involution ? On ne demande pas quel est le sens de l’événement, l’événement est le sens lui-même. Ainsi, nous aimerions que la Balsamine garde son sens propre, car ce théâtre est lié à la nature, c’est un théâtre vert et nous n’aurions pu, nulle part ailleurs, défendre un projet comme le nôtre. Sans doute, l’esprit de sa fondatrice alimente continuellement la source éthique de ce temple. En effet, elle est douée d’un pouvoir génétique qu’elle transmet à ceux qui s’associent à elle, elle co-inspire la vie. La femme dans la boîte, Martine Wijckaert, guenon captive de ce lieu, par choix, par amour, par engagement. Son énergie au travail est, au-delà de son talent artistique, la valeur qui nous captive le plus en elle. Et, est-ce-là un écho fondamental avec nos racines mais la valeur du travail, nous la connaissons. En soi, nous reconnaissons son odeur, nous savons que rien ne peut se passer sans, que la pratique est essentielle à la survie de son art. Si la foi peut se représenter, c’est dans cet angle-là que nous la concevons, une aspiration vers le haut qui cherche l’absolu.

Nous serons particulièrement attentifs au lien entre l’artiste et les témoins de leur art, nous serons attentifs à cette communauté artistique-là mais également, à la presse qui pour nous doit accompagner autrement la réflexion autour des projets. L’art est une voie de passage de l’idée à la matière. Nous sommes enfermés dans cet œuf et nous attendons l’éclosion.

Fabien Dehasseler/ Monica Gomes

Co-directeurs artistiques de la Balsamine.