Involution 5 — L’art, acte de résistance

Si tout a une fin et si, dans l’attente de celle-ci, nous ne faisons que résister, le découragement peut paraître bien légitime. Mais le principal n’est-il pas de ne jamais se sentir bien à l’aise dans sa condition humaine, de refuser les discours de la mort.

Résister, dépasser l’horizon, sortir de l’ordre mortifère, tenter d’échapper à une certaine instrumentalisation, c’est un peu notre utopie, même si nous sommes loin du compte puisqu’il faut toujours en rendre. Il n’est plus l’heure de chercher des consensus mais des consentements. Avancer, sortir de l’impasse. Regagner de l’espace, laisser des traces tangibles de notre passage, des objets qui tissent des liens entre les idées. La trace comme une question et comme une réponse, la trace qui nous pousse à imaginer un monde qui manque. En dépit du caractère discutable des formes narratives, nous ne cessons pas de raconter. Ni l’oubli, ni la destruction ne peuvent rien y changer. Résister c’est essayer de voir les choses comme on ne les a jamais vues, c’est accepter avec confiance les situations incertaines, les inquiétantes étrangetés de l’ordinaire, c’est préserver une capacité d’étonnement.

Et comme le dit Deleuze, notre maître à penser depuis ces cinq dernières années : « L’artiste c’est celui qui libère une vie, une vie puissante, une vie plus que personnelle. Ce n’est pas sa vie. Libérer la vie, libérer la vie des prisons que l’homme… C’est ça résister…il n’y a pas d’art qui ne soit une libération d’une puissance de vie. »

Nos choix se déterminent dans la recherche de cette pulsion de vie, de cette étincelle éphémère. Si l’art est pour tous, il ne s’impose pas à tous, il se rencontre. Nous faisons donc appel au peuple qui manque, qui nous manque, à ce peuple qu’engendre chaque création. Cette saison, on vous propose de tout voir grâce au Passeport Balsa. L’argent ne sera plus une barrière à votre venue, nous en faisons le pari. Nos créations nous les soutenons grâce à l’argent public, elles doivent donc être accessibles largement. Un passeport à 20 euros pour voyager partout dans notre programmation dont la ligne claire est développé dans les pages suivantes mais qui s’étoffera en cours de saison.

Un cinquième mouvement explosif, une cinquième saison qui appelle à la résistance commune. Nos artistes y jouent avec les lignes, et leur art reconfigure le paysage tout entier. Une résistance dans la ligne de fuite, une fuite immobile qui renforce peu à peu les rapports, qui nous permet d’accéder à une autre relation à l’autre.

L’art est dans l’R, « R comme résistance et non comme religion », et nous donne le courage du recommencement.


Monica Gomes et Fabien Dehasseler – Direction artistique