Peter Brook
Les gens qui travaillent au théâtre ont leur propre caractère et leurs propres caractéristiques. Ils sont prompts à s'émouvoir et parce qu'ils sont prompts à s'émouvoir, ils sont rapidement mûs - par la colère, par exemple. Partout dans le monde, dans les mouvements révolutionnaires, les comédiens sont souvent parmi les premiers à crier, à joindre leur voix aux protestations, et pourtant dans la période non révolutionnaire qui suit, ce sont souvent ces mêmes hommes du théâtre qui sont parmi les premiers à se réinstaller dans le passé. Pourquoi ?
Dans le théâtre, nous sommes tous prisonniers des formes à travers lesquelles nous vivons et auxquelles nous devons notre existence quotidienne. Ces formes, peut-être plus que toute autre forme dans notre société, sont marquées par des périodes qui ne sont pas les nôtres, et ceci pour des raisons sentimentales et économiques.
Nous travaillons dans des locaux qui déforment la nature de nos activités parce qu'ils ont été construits il y a longtemps et qu'il est ni opportun ni économique de les modifier. Nous travaillons pour un public qui change rarement parce que les structures qui attirent ce public vers nous sont complètes en elles-mêmes et rendent tout changement difficile. Ainsi, de quelque point de vue que nous nous tournons vers notre problème d'un théâtre qui pourrait éventuellement correspondre à son temps, la même conclusion s'impose : notre rôle immédiat est de réexaminer- et de réexaminer de façon profonde, fondamentale, destructrice, et, nous l'espérons, créatrice - toutes les formes par lesquelles nous vivons. Où peut-on commencer ?
Il nous faudra peut-être commencer par tenir tête au défi qui en résulte lorsqu'on fait face à un fait très désagréable - le fait qu'au moment de la Journée Mondiale du Théâtre, nous avons si peu de théâtre mondial pour nous réjouir.