André-Louis Perinetti - Secrétaire général de l’Institut international du théâtre

L’Institut international du théâtre célèbre le 27 mars 1985 la 24ème Journée mondiale du théâtre. C’est en effet en 1962, à l’ouverture d’une saison du Théâtre des Nations à Paris, un 27 mars, qu’est née cette commémoration. Il peut paraître surprenant que les gens de théâtre éprouvent le besoin de fêter leur art un jour précis dans l’année. N’est-il pas pratiqué tous les jours ? N’y apportons-nous pas à chaque fois le même enthousiasme, n’y trouvons-nous pas le même plaisir ? En réalité, la Journée mondiale du théâtre est un moment privilégié et exceptionnel que nous avons fixé dans le temps pour permettre aux uns et aux autres de cette profession, originale s’il en est, de se rassembler au-delà des frontières, des idéologies, des générations, des disciplines. Cette journée permet de souligner ce qui nous rapproche, ce qui nous lie, à travers nos joies et nos peines. Elle permet surtout de porter un regard sur l’autre, sur une autre culture, à l’autre bout de la planète. Si, frères en poésie, les gens de théâtre anticipent souvent la réalité de demain, pressentant ainsi le destin de l’humanité, ils en sont aussi la mémoire !

Il y a quarante ans cessait la Seconde Guerre mondiale. Le théâtre se souvient… Bousculé, persécuté à travers les âges, symbole de la résistance à toutes les oppressions, le théâtre qui s'identifie à la vie, parce que création, témoigne pour cette Renaissance.

De la fin du cauchemar surgit une grande espérance : celle de la compréhension mutuelle entre les peuples.

Les grandes organisations internationales, basées sur l’égalité entre les états et les peuples, sont créées. Chaque peuple apporte à un moment ou à un autre de son histoire une contribution décisive au progrès de l’humanité, tous se doivent d’être réunis afin de donner la pleine mesure de leurs capacités.

Chacun doit être solidaire de l’autre. Cette solidarité, les gens de théâtre n’ont pas à la découvrir, car elle fait partie de leur démarche. La création de l’Institut international du théâtre, qui suit de peu celle des grandes organisations, inspirée par l’une d’entre elles, l’Unesco, apparaît alors comme l’affirmation d’une identité, d’une volonté de bâtir en commun un avenir à la mesure de l’espérance des artistes.

Notre similitude culturelle profonde, notre même vision de l’homme, tissées au cours des siècles, suscitent ce sentiment d’appartenance à un monde unique. Chaque homme de théâtre, chaque femme de théâtre, participe à cette universalité. Concernés par le destin de notre communauté, nous le sommes aussi par celui du monde.

Tous les efforts de création, d’invention des communautés intellectuelles du monde entier pour multiplier les occasions d’échanges et de contacts, notre action en est indissociable. Nos théâtres sont des lieux de convergence, des occasions de rapprochement, une ouverture à ce que les uns et les autres apportent au patrimoine des connaissances et des arts.

Reflets de sociétés différentes, le théâtre met de côté ce qui les sépare et fait apparaître ce que les hommes on en commun : la volonté de Paix.

Cependant, comment ne serions-nous pas préoccupés, à l’occasion de cette Journée mondiale du théâtre, devant la remise en cause du principe de l’universalité dans une des principales organisations internationales.

Ce principe est la garantie de la protection et du respect dus à chacun, individu ou communauté.

Mais en cette année 1985, consacrée à la jeunesse, un autre devoir nous presse. Nous, hommes et femmes de théâtre du présent, nous avons reçu un héritage du passé et nous en sommes responsables devant les artistes de demain.

La jeunesse aspire à participer, à partager les responsabilités. Elle croit à la solidarité et veut s’associer aux activités liées aux grandes causes, elle est capable de tant d’amour…

Mais elle exige la Vérité.

C’est à nous de ne pas la masquer afin que l’espoir que représente la jeunesse devienne la sauvegarde de la paix et de l’amitié entre les peuples.

Son idéal, le nôtre, n’est pas un rêve de l’imagination mais une exigence permanente de la conscience des artistes.