François Beukelaers

Comédien, acteur et metteur en scène belge né en 1938. Joue en français, néerlandais, anglais et allemand. Diplômé de La Cambre en architecture, de l’Institut des Arts Dramatiques d’Antwerpen en mise en scène et acteur. Au théâtre, il travaille au KNS (Théâtre royal néerlandophone d’Antwerpen), enseigne le théâtre au Studio Herman Teirlinck, rejoint la troupe du Varia en 1981. Enseigne à l’INSAS, joue au KVS. Met en scène la première pièce de Jean-Marie Piemme « Neige en décembre », et crée, dans la Cour d’Honneur « Histoires de larmes » de Jan Fabre en 2005, en Avignon. Au cinéma, il tourne avec Hugo Claus, André Delvaux, Marc Didden et Dominique Deruddere. Réalisateur pour la BRT. Il joue dans plus de 40 longs métrages. Il travaille actuellement sur un opéra inspiré de « Lolita » de Nabokov par Fineberg et mis en scène par Jim Clayburgh (New Jersey).


François Beukelaers Par Odile Vansteenwinckel

La première fois que je parle à François, c'est par téléphone et c'est à propos de "Gel". Immédiatement il me dit : "On le fait". Il y sera un des acteurs. Plus tard, je lui amène un petit livre retraçant un débat avec Joseph Beuys intitulé Qu'est-ce que l'argent ? L'idée était de faire surgir de cette matière un spectacle. Il réplique, aussitôt : "Là-dessus, en effet, on peut travailler". Certitude. Authentique "non-doute".
A mes yeux, depuis toujours, François incarne ce personnage de Gel : Strauch. Figure issue du premier roman de Thomas Bernhard. Strauch est un peintre exclu du monde qui se retire pour sa dernière errance, dans la haute montagne, au milieu des glaces, et qui, continuellement, digresse au gré de ses marches interminables, dans un langage entre la vie et la mort.
Bien sûr François n'est pas Strauch. Il est terriblement en bonne santé (psychique, morale, physique). Pourtant, par certaines analogies, il me l'évoque par la particularité de sa reflexion, en faisant table rase, en quittant la pré conception, en recherchant la base, où tout prend valeur métaphysique. Il aime être dans ce qui précède la forme, dans le brutal. Déplacer la chose du langage, toujours poser la question du concret.
François est un grand lecteur de textes. Il lit ce que j'écris, nous discutons, il m'aiguille dans mes questionnements sur l'écriture théâtrale. Nous parlons de son essence ; qu'est-ce qui fait l'évidence de cette écriture ; nous cherchons à deux. Il y a aussi la façon de réfléchir le théâtre, de remettre en cause, d'ébranler sa nécessité, son institutionnalisation.
Il est le seul à m'avoir cité Rilke : Tant qu'il n'y aura plus de Dieu, il n'y aura plus de théâtre. La carrière de François Beukelaers est aboutie. Elle est tournée vers les deux pans de notre théâtre belge, le flamand et le francophone. Parmi ses plus belles expériences : jouer "Histoire des larmes" de Jan Fabre à la Cour d'honneur du Palais des Papes à Avignon, participer aux débuts du théâtre Varia, être le premier à monter "Neige en décembre" de Jean-Marie Piemme, représenter à Kinshasa, "La vie et les oeuvres de Léopold II" avec Raven Ruell. Bien sûr, il y a aussi qu'il a intimement vécu les débuts du cinéma belge en tournant avec André Delvaux et Chantal Akerman.
Placé à l'intersection des visions de l'enseignement à l'acteur en Belgique francophone et en Belgique flamande, François et moi avons entamé une discussion sur les façons de travailler avec les comédiens. Ce qui conduit également nos recherches pour le spectacle contemporain "Qu'est-ce que l'argent ?" puisque l'expérience du plateau est un élément actif dans l'écriture du spectacle contemporain.
Nous avons parlé "Conceptions de spectacles" à travers des créateurs qui déroutent tels que Bob Wilson, Jan Fabre, Alain Plattel. Ce dont on ne peut parler il faut se taire. De ce qui surgit d'une conversation, de ces éclaircissements-là, on ne peut rien en dire, les relater est impossible mais leur impact se retrouvera immanquablement, quelque part, dans "Qu'est-ce que l'argent ?"