Trilogie de l'Enfer

Martine Wijckaert

Trilogie.jpg: 1236x2340, 447k (21/11/2011)

Extrait de la pièce: il s’agit du début du deuxième volet

Béatrice 
Allons, allons,
venez donc à moi,
petits enfants d’un futur improbable,
approchez, innocents rejetons,
descendez de vos petits chars apolliniens,
n’ayez crainte,
un nègre les rangera pour vous et vous apportera le miel de toutes les fleurs de l’Occident.
Vos dents pousseront alors,
splendides
et vos chairs,
nourries d’excellence,
abriteront vos âmes qui seront,
je vous le dis,
petits enfants d’un futur improbable,
plus fermes et plus blanches que l’improbable du futur.
Vos vies exemplaires,
lancées comme des bolides jusqu’aux confins d’une zoogéographie parfaitement maîtrisée,
ne serviront à rien,
mais ne redoutez pas cela,
très chers petits enfants
car,
de vos vies qui ne serviront à rien,
vous ne souffrirez pas.
Le ciel attentif aura éradiqué jusqu’à l’esprit insane de cette souffrance si bien que vous butinerez dans la gelée et l’angoisse de la mort primitive vous sera épargnée.
Approchez, approchez,
mais approchez donc, mes robustes poupons.
Venez à moi en nombre,
défoncez les portières de l’antichambre s’il le faut,
massacrez les intérieurs,
égorgez toute valetaille qui vous résisterait avec vos petits hochets d’argent.
Et venez,
venez dilapider les vivres et contaminer les sources de vos jets prodigieux. 
Avancez,
avancez,
mais avancez donc,
innocents et vaillants poupons du vaillant bonheur,
n’ayez cure de rien du tout,
dévalez de vos nuées
et écrasez les importuns d’ici-bas dans les coins,
défenestrez les canaques,
prenez les places,
toutes les places sans exception et bouffez tout crus les organismes,
déracinez les vergers
et puis venez,
venez toujours plus près,
venez chier d’allégresse dans les livres terrestres ouverts par terre,
venez crever les yeux des morts peints dans les tableaux
et riez,
riez massivement,
riez à gorge déployée en lapant tout le bouillon
et surtout faites grand bruit en riant,
ensuite jetez vos cuillers dans les vitrines afin que redoublent vos rires,
brisez les reins des animaux domestiques venus chaparder vos excédents et riez de plus belle à les entendre couiner,
massacrez les voleurs,
culbutez les impotents,
fracassez les crânes infirmes avec vos bouteilles encore pleines
mais surtout,
venez,
venez, petits enfants,
venez donc à moi car triste,
triste et malséante
est la tristesse.