« La place était complètement déserte, à cause de la chaleur. Une lumière intolérable.

Seulement, sur la gauche, une mince bande d'ombre découpée selon la hauteur des maisons. Quand on y arrive, par le sombre couloir voûté qui mène là, il faut s'arrêter net.

Impression de pleine four­naise ; mais en même temps, une certaine légèreté, une pensée d'évaporation.

Une petite cloche tinte, com­me à l'intérieur d'une église. Dans l'embrasure de chaque porte se tiennent, immobiles, des personnages en noirs, des veilles femmes surtout.
La pla­ce est fermée comme
un cirque, ou une arène — comparaison qui ne tient d'ailleurs qu'à cet aspect de lieu clos, car sa forme propre tend vers un carré presque parfait. Parfois des gens en­traient dans la place, s'aper­cevaient qu'il n'existait aucune issue, et reprenaient le même chemin sous le regard lourd des gens de la place.

Certains n'osaient pas y pénétrer ; des timides, des oppressés. Ceux qui entraient là étaient semblables à des mouches sur une toile d'araignée. Le passage ne se faisait pas brutalement. Ils passaient de l'ombre de la ruelle à l'éblouissement de la place. Ils fermaient les yeux et continuaient à marcher. Lorsque leurs paupières s'ouvraient par soubresaut, alors déjà, il était trop tard. »

Danielle Collobert, extrait tiré du recueil Meurtre

Danielle Collobert s'est donné la mort à 38 ans.